BIEN CHOISIR LE MANDATAIRE DU GROUPEMENT D’OPERATEURS ECONOMIQUES DANS LE CADRE D’UN MARCHE PUBLIC DE TRAVAUX
Article rédigé le 30/01/2025

Une société cliente s’était engagée en tant que mandataire du groupement conjoint avec son co-traitant dans le cadre de l’exécution d’un marché public de travaux. Suite à des pénalités de retard infligées par le maitre d’ouvrage, elle vient me consulter s’agissant de la répartition de ses pénalités entre les membres du groupement après l’établissement du décompte général et définitif.
Tout d’abord, l’article R. 2142-20 du Code de la commande publique rappelle qu'un groupement conjoint d'entreprises est une modalité d'attribution d'un marché public à plusieurs entreprises. Dépourvu de personnalité juridique, ce groupement n'a pour objet que l'exécution des prestations qui font l'objet du marché.
Lorsque le groupement est conjoint ; chacun des opérateurs économiques membres du groupement s’engage à exécuter la ou les prestations qui sont susceptibles de lui être attribuées dans le marché.
Le CCAG Travaux (version 2021 applicable au marché) précise que dans ces groupements que chaque entrepreneur n'est engagé que pour le ou les lots qui lui sont assignés et est payé directement par le maître de l’ouvrage sur un compte séparé.
Le mandataire représente alors l'ensemble des entrepreneurs conjoints, vis-à-vis du maître de l'ouvrage, de la personne responsable du marché et du maître d'œuvre, pour l'exécution du marché.
A ce titre, il assure, sous sa responsabilité, la coordination de ces entrepreneurs en assumant les tâches d'ordonnancement et de pilotage des travaux. C'est ainsi que, notamment, le mandataire du groupement reçoit toutes les notifications du marché (article 3.1.1 du CCAG Travaux 2021), les bons de commande (article 3.7.4), les ordres de service (article 3.8.5), les convocations aux rendez-vous de chantier, etc.
Les obligations mises à la charge du mandataire ne sont qu'une déclinaison de son rôle de représentant unique des entrepreneurs groupés vis à vis du maître de l’ouvrage. Or ce rôle d'interlocuteur unique a précisément pour fonction de dispenser le maître de l’ouvrage de s'immiscer dans les rapports entre les membres du groupement.
Autrement dit, le mandataire est le garant du respect par les entrepreneurs de leurs différentes obligations (par ex, en matière de conditions de travail) et surtout (ce qui nous intéressé ici), il est le seul habilité à présenter les projets de décompte et à accepter le décompte général ou à présenter des réclamations (article 12.5.2) et qui les représente dans la procédure de règlement amiable des différends (article 55.4 du CCAG).
S'agissant de la fixation des pénalités, la jurisprudence administrative est claire sur le sujet : "s'il incombe au maître de l'ouvrage de liquider le montant global des pénalités de retard dues par l'ensemble des entreprises, il appartient au seul mandataire commun de celles-ci de répartir entre elles ces pénalités, et qu'en cas d'inaction du mandataire commun, le maître de l'ouvrage est tenu d'imputer la totalité des pénalités sur le décompte général et définitif du marché de ce mandataire" (CE, 28 nov 1986, Centre Hospitalier Régional de Nice, n° 60522 ; CE, 17 mars 1999, Syndicat intercommunal Eau et assainissement de Pointe-à-Pitre-Abymes, n° 165595).
Autrement dit, le maître de l’ouvrage arrête le montant des pénalités pour chacun des membres du groupement en fonction des indications données par le mandataire. En cas d’inaction du mandataire, le maître de l’ouvrage impute la totalité des pénalités sur le décompte général et définitif de ce dernier. C'est ce qu'il s'est passé dans le marché public de ma cliente.
La société en tant que mandataire du groupement aurait dû contester d’une part, le bien-fondé des pénalités de retard infligé au groupement et d’autre part, la répartition des pénalités entre les membres du groupement dès la notification du décompte général par l'intermédiaire d'un mémoire en réclamation.
S'agissant de la procédure très stricte de l'établissement du projet de décompte définitif (procédure développée dans un précédent article). Il est fait application des articles 12.3 et 12.4 du CCAG Travaux.
L'article 12.4.5 du CCAG précise que "Dans le cas où le titulaire n'a pas renvoyé le décompte général signé au maître d'ouvrage dans le délai de trente jours fixé à l'article 12.4.3, ou encore dans le cas où, l'ayant renvoyé dans ce délai, il n'a pas motivé son refus ou n'a pas exposé en détail les motifs de ses réserves, en précisant le montant de ses réclamations comme indiqué à l'article 55.1, le décompte général notifié par le maître d'ouvrage est réputé être accepté par lui. Il devient alors le décompte général et définitif du marché."
Autrement dit, à défaut d'avoir contesté l'application des pénalités de retard et la répartition de celles-ci par un mémoire en réclamation après la notification du décompte général, les pénalités de retard sont dues au maitre d'ouvrage car le décompte général est devenu définitif et incontestable.
Néanmoins, le Conseil d’Etat (CE 2 décembre 2019, Sté Giraud-Serin, req.n°422615) est venue préciser les modalités de contestation des pénalités de retard par les membres d’un groupement conjoint et la compétence du juge administratif pour trancher ce type de litige. Si l'un des membres du groupement entend contester la répartition des pénalités de retard, après avoir accepté le décompte (ou à tout le moins non contesté), il peut ensuite agir contre les autres membres du groupement, sur le fondement de leur responsabilité quasi-délictuelle car cette action ne sera pas fondée sur l'application de la convention de groupement, mais sur les retards commis par les autres membres du groupement dans l'exécution du marché public, qui lui auront causé un préjudice. Cette action relève également de la compétence du juge administratif (TC, 2 juin 2008, Souscripteurs des Lloyds de Londres, n° 3621).
Pour conclure, le mandataire du groupement est le seul habiliter à présenter les projets de décompte, accepter ou contester le décompte général et/ou présenter des réclamations notamment sur la répartition des pénalités de retard dans les délais relatifs à l'établissement du DG.
A défaut, le mandataire ou les membres du groupement ne pourront engager leur responsabilité que sur le fondement de la responsabilité quasi-délictuelle devant le juge administratif.
N’hésitez pas à me contacter pour un appui juridique dans le cadre de la passation ou de l’exécution des marchés publics.